L’Institut international de recherche sur la paix de Stockholm (Sipri) dévoile que sur la période 2019-2023, les importations d’armes ont bondi de 94 % en Europe, guerre en Ukraine l’oblige. Le rapport publié lundi 11 mars pointe également le fait que la France se hisse pour la première fois sur la seconde marche du podium des pays exportateurs d’armes, passant ainsi devant la Russie, désormais reléguée au troisième rang.
Depuis 2019, la France a vu ses ventes à l’international bondir de 47 %, quand la Russie voyait les siennes chuter de 53 %. C’est un sérieux revers pour Moscourevers d’autant plus marquant qu’il intervient dans une période de fortes tensions entre les deux pays.
Dans cette compétition, les États-Unis restent de très loin les premiers exportateurs d’armes au monde, raflant à eux seuls 42 % du total des ventes.
Mais la France n’avait jamais occupé la deuxième place. Plusieurs raisons expliquent ce succès, pointe le rapport de l’Institut pour la paix de Stockholm (Sipri) : la première est à mettre au crédit d’une production à très forte valeur ajoutée, comme l’avion rafale de Dassault Aviation, indique Léo Péria-Peigné.
« Le bond de l’industrie française face à la Russie peut s’expliquer d’abord par le recul des exportations d’armes russes due à la guerre en Ukraine, l’industrie russe produisant d’abord pour la consommation nationale plus que pour l’export, explique ce spécialiste de l’armement à l’Institut français pour la recherche stratégique. Dans un second temps, il faut noter les très gros succès de quelques produits spécifiques de l’industrie française comme le Rafale ou quelques systèmes un peu moins connus notamment en terme d’électronique. Ce sont des systèmes à très haute valeur ajoutée, donc ce n’est pas la peine d’en vendre beaucoup, car leur prix fait va peser lourd dans la balance. »
Une industrie « Itar Free »
Le Sipri indique également que ce succès tient aussi au fait que les armes françaises sont « Itar Free », c’est-à-dire ne relevant pas de la réglementation américaine sur les ventes d’armes, qui sont généralement très restrictives, notamment en ce qui concerne les missiles. Différemment du matériel américain, l’armement français donne aux pays une plus grande liberté et la possession totale de ce matériel : les industriels français le garantissent sans lien avec les clauses de la loi américaine sur l’exportation de matériels de guerre.
Ces matériels ne comportent pas de composants susceptibles de susciter l’opposition de Washington. Un argument de poids au moment de signer des contrats XXL, mais pas seulement, assure Léo Péria Peigné. « Quand l’Inde achète du Rafale, ce n’est pas forcément que pour la qualité du Rafale en soi. Mais c’est aussi parce que le Rafale peut porter des armes que les États-Unis seront plus réticents à vendre. Je pense notamment aux missiles Météors (Missiles air-air produits par MBDA France – NDLR). Pour les achats des Émirats ou du Qatar, c’est aussi une façon de renforcer une alliance. La France a des troupes postées au Qatar qui font de la formation, qui font de la réassurance. Acheter des armes à la France pour les Émirats, c’est aussi une façon de sceller l’alliance et de la durcir. Pareil quand la Grèce achète des rafales : C’est important que l’avion soit efficace, mais la Grèce, en achetant ces appareils, s’assure aussi le soutien de la France dans ses bisbilles avec la Turquie. »
Outre les performances des matériels, les enjeux internationaux plus larges jouent également. Acheter français est aussi une manière de ne pas s’aliéner les États-Unis : lorsqu’un pays acquiert du matériel russe, il peut se retrouver sur une liste noire américaine et ne pourra pas obtenir des équipements sensibles. La Turquie en a fait l’expérience en s’équipant des batteries sol-air russes S400 : elle s’est ainsi retrouvée exclue de l’achat d’avions F35.
Le matériel français est le choix d’une troisième voie, c’est aussi l’une des raisons du succès de l’industrie de défense française.