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CONTRÔLE DES LICENCES DE PÊCHE DURANT / LA PÉRIODE 2016-2020 : La Cour des comptes débusque une mafia

Le contrôle des licences de pêche durant la période 2016‐2020 fait ressortir de graves irrégularités. La Cour des comptes a effec‐ tué un contrôle des licences de pêche sur la période 2010‐2016. Durant la période sous revue, 915 licences ont été attribuées. La plupart (62,29 %) ont concerné les espèces démersales côtières. En moyenne, 80 licences ont été octroyées par an. Cependant, des manquements observés dans la procédure d’at‐ tribution des licences. L’une des principales missions de la Direction des pêches maritimes est de veiller à l’application de la réglementation relative à l’exercice de la pêche maritime. Il incombe dès lors à ce service, en relation avec des structures comme la Direction de la protection et de la surveillance des pêches (Dpsp) et l’Agence nationale des affaires maritimes (Anam), d’instruire les demandes par l’accomplissement de diligences tendant à vérifier le respect des exigences prévues par la règle‐ mentation en la matière. C’est dans cette optique qu’il revient au directeur des pêches mari‐ times de présider la Commission consultative pour l’attribution des licences (Ccalp) et de préparer et soumettre à la signature du ministre chargé de la pêche les projets de licences destinées aussi bien aux navires sénégalais qu’aux navires étrangers. Ainsi, le demandeur doit, entres autres : contracter une assurance pour les navires dont il sollicite l’attribution d’une licence ; détenir un permis de navigation à jour ; s’acquitter de la redevance correspondant au type de licence sollicité ; détenir un acte de nationalité valable ; s’être acquitté des amendes et pénalités dont il est redevable au titre des arrai‐ sonnements subis ou des sanc‐ tions à lui infligées par les autorités compétentes.   Irrégularités dans l’instruction de certains dossiers de demandes de licences La demande de licence donne lieu à la production, par le demandeur, d’un certain nombre de pièces afin de permettre à la Dpm de procéder à l’instruction. Ainsi, le dossier d’instruction doit renfermer des documents tels que l’acte de nationalité du navire, le permis de navigation ou l’assurance corps de navire. Une fiche de circulation et de suivi d’amende doit également être visée pour ce qui concerne les renouvellements. Durant l’ins‐ truction, l’Anam procède à la vérification de l’assurance du navire et du respect du versement auxquelles est assujetti l’armateur vis‐à‐vis de ses employés. Quant à la Dpsp, elle effectue le suivi du paiement des amendes. L’examen des dossiers de licences a fait ressortir que des pièces sont manquantes et que certains documents n’offrent pas toutes les garanties de régularité. Par ailleurs, la détention d’un acte de nationalité valable est obligatoire pour l’obtention ou le renouvellement de la licence. En raison de la durée que prend l’instruction, il est généralement délivré un acte de nationalité provisoire à l’intention des na‐ vires étrangers sollicitant la na‐ tionalité sénégalaise. L’article 96 de la loi n°2002‐22 du 16 aout 2002 portant Code de la marine marchande dispose que : « la sé‐ négalisation provisoire ne peut être accordée que pour une durée de six mois renouvelable une fois ». Ainsi, l’acte de nationalité provisoire ne peut être valable que pour une durée maximum de douze mois. Il a cependant été relevé que certains actes de nationalité provisoires ont été prorogés plus d’une fois en violation des dispositions. Sispa/Playa de Dakar a bénéficié de ce procédé tout comme Hispasen, à deux reprises d’ailleurs. «La prorogation irrégulière de ces actes de nationalité provisoire constitue une violation des dispositions du Code de la ma‐ rine marchande », estime la Cour. Des licences accordées à des navires ne s’étant pas acquittés totalement des amendes L’examen des fiches de suivi des amendes a révélé que des armateurs ont bénéficié de la licence alors que les montants dont ils sont redevables n’ont pas été totalement payés. Cette situation, constitue une rupture d’égalité par rapport à ceux qui sont à jour dans le paiement de leurs amendes et un manque à gagner éventuel pour l’Etat. En effet, laisser opérer des navires alors qu’ils sont redevables d’amendes fait apparaitre un risque d’insolvabilité notamment en cas de nouvelles infra‐ ctions. C’est le cas des navires «Ave Maria », «Safinatoul Aman I », «Italsen fishing », «Ya Fama II », «Ya Fama IV » et «Senevisa ». Ces navires bénéficient du droit de pêcher alors même qu’ils sont redevables de sommes importantes. «Cette situation est de nature à compromettre les chances de recouvrement d’une dette que la survenance de nouvelles infractions pourrait consi‐ dérablement augmenter. Par ailleurs, malgré l’existence de ces dettes, les fiches de contrôle ont été visées par la Direction de la protection et de la surveillance maritime (Dpsp) et l’Agence nationale des affaires maritimes (Anam) », fait remarquer la Cour. D’autre part, l’exercice de la pêche industrielle par des navires étrangers sous les eaux sé‐ négalaises est subordonné à la détention d’une licence. Cette faculté est conditionnée par l’existence préalable d’un accord ou d’un affrètement par des sénégalais. L’article 16 du Code de la pêche de 1998, repris par l’article 27 du nouveau Code de la pêche maritime de 2015, dispose que «les navires de pêche battant pavillon étranger sont autorisés à opérer dans les eaux sous juridiction sénéga‐ laise, soit dans le cadre d’un ac‐ cord de pêche liant le Sénégal à l’Etat du pavillon ou à l’organisa‐ tion qui représente cet Etat, soit lorsqu’ils sont affrétés par des personnes de nationalité séné‐ galaise ». L’accord prévu par ces dispositions est mis en œuvre à travers un protocole définissant les modalités d’application. C’est ainsi que le Sénégal a signé des accords de pêche de réciprocité avec ses voisins (Gambie, Guinée Bissau, Mauritanie, Cap vert). Il a, en revanche, conclu des conventions de coopération avec d’autres Etats et organisa‐ tions comme le Cap‐Vert (convention Sen Cap et proto‐ cole d’application du 29 mars 1985) et l’Union européenne (protocole et annexes des 24 et 25 avril 2014) dont les navires opèrent actuellement dans les eaux sénégalaises. Malgré la si‐ gnature de ces accords qui défi‐ nissent des règles strictes, il a été observé des cas de non‐respect de dispositions y contenues. Des navires européens exerçant malgré la suspension de l’accord avec l’Union européenne L’implication de la décision de l’Etat du Sénégal de procéder au gel de la licence de pêche démersale côtière (lpdc) et de ne pas renouveler l’accord le liant avec l’Union européenne en 2006 a été de suspendre l’octroi de nouvelles lpdc. De même, au‐ cune licence accordée précédemment aux européens ne pouvait faire l’objet de renouvellement. Néanmoins, il a été constaté que, durant la période 2010‐2014, de nouvelles licences ont été accordées à des navires européens comme Pilar Torre (espagnol), Gaztzlugaitz (espa‐ gnol), Berriz San Francisco (es‐ pagnol), Nuevo San Luis (espagnol), Kermantxo (espa‐ gnol), Iribar Zulaika (espagnol), Aita Fraxku (espagnol), Corona del mar (français). «Il apparait qu’en l’absence d’accord global Sénégal‐Ue, les licences ne de‐ vaient être accordées que si, au préalable, des conventions spécifiques avaient été signées entre d’une part le Sénégal et d’autre part l’Espagne ou la France pour satisfaire aux exigences de l’article 16 du Code de la pêche. Ces navires ont opéré durant cette période et ont bénéficié de licences en violation des dispositions légales Des autorisations de pêche non conformes aux exigences légales En septembre 2011, des autorisations ont été accordées à des armateurs sénégalais leur permettant d’affréter des navires russes, en dehors d’un accord de pêche signé entre le Sénégal et la Russie. En avril 2012, le gouvernement du Sénégal. Annulation de ces autorisations par les lettres ministérielles numéros 50, 51 et 52 /Mpam/Dpsp/Dic/sw du 25 avril 2012. Ces autorisations ont concerné des navires comme King clip, King Dory, Coral, Volopas, King ray… La Cour note dans la foulée qu’au terme de la pêche de 1998, repris par l’article 108 du Code de 2015, «le montant de l’amende ne peut être inférieur au minimum de l’amende encourue pour l’infraction commise ». Cette disposition encadre le pouvoir du ministre chargé de la Pêche même s’il peut, au nom de l’Etat, transiger avec l’armateur dont le navire a commis une infraction. Dans le cas où l’armateur accepte la sanction à l’amende et procède au paiement, la procédure s’estompe et aucune action judiciaire n’est possible. S’il refuse de reconnaître les faits, il a, au même titre que l’Etat, le droit d’intenter une action en justice. Il a été constaté qu’en lieu et place d’une amende, la Commission consultative pour les infractions en matière de pêche maritime (Ccip) a proposé un avertisse‐ ment qui est un type de sanction non prévu par la loi, en violation des dispositions de l’article 71 du Code de la pêche. Ces faits concernent les navires Nata, Ils aux oiseaux, Lobelia, Soleil 11, Kriti et Louis Sauger. Pire, par note de service du 16 avril 2015, le ministre de la Pêche et de l’Economie maritime a pro‐ cédé à l’annulation des arriérés d’amendes non payées de 45 rougettiers et cordiers de natio‐ nalité sénégalaise d’un montant global de 557 673 147 francs Cfa. La période d’annulation a concerné l’ensemble des amendes prononcées avant le 25 avril 2015. Le motif avancé par le ministre concerne le « souci de relancer les activités des petites unités de production et de se conformer à l’article 47 du Code de la Pêche qui dispose que «le ministre chargé de la pêche maritime est l’autorité responsable de la supervision et de la coordination de l’ensemble des activi‐ tés et opérations de surveillance et de protection des pêcheries dans les eaux maritimes sous juridiction sénégalaise, (…). Il prend toutes les mesures utiles pour assurer l’application et le respect des dispositions de la (…) loi et des règlements pris pour son application». Les amendes de 29 navires délinquants annulés L’annulation a profité à vingt‐neuf (29) navires qui se trouvaient en cessation d’activité pour un montant de 385 508 842 Fcfa et à seize (16) autres toujours en activités pour un montant. Les amendes concernées par ces annulations sont consécutives à des infractions de natures diverses tels que : obstruction de mailles ; pêche en zone interdite ; maillage non conforme ; défaut de licence etc.

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