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Diomaye n’est pas Sonko

Nous sommes dans la dernière ligne droite et le sort en est jeté. Ça tombe bien : Bassirou Diomaye Faye, le candidat de, euh, substitution, et son mentor, l’ex-futur favori de cette truculente Présidentielle, Ousmane Sonko, sortent enfin de prison, alors que ça commence à désespérer dans les bicoques indignées et sur les réseaux sociaux exaspérés.

Un candidat en prison que l’on n’a pas l’occasion d’entendre ni de voir à l’œuvre, on fait quoi avec : on vote aveuglément, pour le venger d’une hérésie administrative ou, alors, on le zappe prudemment ?

Dès le lendemain, les deux lurons font face à la presse. Il y a du nouveau depuis le Cap Manuel : changement de programme et d’ennemi ; osons le jeu de mots, de cap…

Bien entendu, le crachoir, c’est Ousmane Sonko qui le tient.
Certes, l’ancien président (putatif) de la République Ousmane Sonko, alias Pros, n’est pas le candidat ; il est juste là pour soutenir son petit frère en campagne, le déjà «Président» Diomaye, à qui il conseille il y a quelques jours (comprenez qu’il lui en intime l’ordre) de se tailler la barbe qu’on devine broussailleuse après tant de mois dans neuf mètres carrés de taule surpeuplés et se faire une tête d’honnête homme avant de retrouver la liberté et les électeurs.

Ce sont des détails qui vous foirent une campagne présidentielle… Heureusement qu’il pense à tout, le Pros !
Lui, pendant tout ce temps, les doigts de pieds en éventail, se la coule douce dans une suite carcérale au service de chambre irréprochable. Une faveur de la République pour le retaper après sa suicidaire grève de la faim dont l’issue serait fatale à la Nation. Dans la tourmente, on voit à l’époque ses deux épouses face à la caméra, devant le micro de l’intrépide Pape Alé Niang, plaider la clémence de Madame la «Darling Kôr» nationale alors que nos droits-de-l’hommiste locaux menacent d’apocalypse la République au bord de l’irréparable.

Pour récompenser ses deux conjointes de leur solidarité à toute épreuve et leur alléger les tâches, d’ailleurs, il vient d’en rajouter une troisième.

Quand on aime, on ne compte pas…
Le Président sortant, Macky Sall, que le Pros combat farouchement dès sa réélection en 2019 pour empêcher son troisième mandat (ou son deuxième quinquennat, c’est selon), est finalement quelqu’un de bien, à en croire le conférencier sublime.

La nouvelle cible se nomme Amadou Ba, une vieille connaissance.
Ils sont collègues depuis belle lurette et Ousmane Sonko, du haut de ses fonctions de simple inspecteur des Impôts, lui intime souvent l’ordre de rester dans l’orthodoxie quand les mains baladeuses de Amadou Ba, à l’époque Directeur général des Impôts et domaines, qui est également son prof à l’Ena à ses heures perdues, cherchent à s’en mettre plein les poches.

Manifestement, le micro, les caméras et les flashes du parterre de journalistes qui lui boivent les paroles, ça lui manquait ; il est sapé comme un nabab et additionne les bravades. Le grand boubou à la couleur éclatante, la chéchia, la voix de stentor et le geste ample lui donnent de la superbe. Même quand il profère une énormité, son aplomb en bouche un coin, et personne n’ose douter.
A ses côtés, Bassirou Diomaye Faye fait un peu terne dans son p’tit costume sombre. Avec sa voix chevrotante, quand bien même il émet une évidence, elle est sujette à caution. Il a l’allure du rescapé auquel il manque des compléments nutritifs et la mine de l’intrus qui se demande ce qu’il peut bien faire dans cette galère.

Chienne de vie.
Né en 1980, il est un produit de l’école catholique, où l’on cultive la discipline, l’humilité, l’effort ; il quitte son Ndiaganiao natal muni du Bfem, destination le lycée Demba Diop de Mbour ; après quoi, il débarque à Dakar avec le Bac en poche en 2000 ; après sa Maîtrise en Droit, quatre ans plus tard, il réussit à intégrer l’Ena sur concours et en ressort en 2007.

Depuis, il arpente les couloirs des Impôts et domaines où sa carrière fait de modestes petits pas.

Il n’est manifestement pas quelqu’un qui saute les étapes ou gravit les escaliers quatre à quatre. Ce n’est pas, non plus, l’exhibitionniste qui présente ses épouses ou ses enfants à la populace, comme le fait Ousmane Sonko pour que l’opinion s’indigne des injustices de la police de Antoine Félix Diome et de la Maréchaussée du Général Moussa Fall.

On ne sait rien de BDF, vraiment. Il rase les murs jusque-là.
C’est bien pourquoi, quand les événements le propulsent au-devant de la scène, malgré lui, il tombe comme un cheveu dans la soupe électorale de cette Présidentielle.

D’abord, lorsqu’il outrage les magistrats en les comparant à des anthropophages, tout le monde est sidéré : d’habitude, il n’a jamais un mot plus haut que l’autre. Ses rares apparitions à la télé, à l’époque où le Pros multiplie les faits divers, c’est pour défendre son mentor. Il est prêt à jurer sur un Coran que Pros est victime d’un sordide complot.

Lui, il ne tance personne, il tente de convaincre.
A n’en pas douter, ce n’est pas le foudre de guerre qui peut faire chavirer l’opinion à coups de formules-chocs. Lorsqu’il se lance dans la campagne et que le Pros daigne lui laisser le micro, ses prestations ressemblent plus à celles du Mc qui annonce la star. Le micro et les caméras ne doivent pas l’aimer.
Diomaye n’est pas Sonko. Encore moins Senghor…

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