Au Pérou, où un nouveau Premier ministre a été investi hier mercredi, le Congrès doit décider ce jeudi du sort de la Junte nationale de Justice avec, en jeu, la destitution de ses sept magistrats. L’organe suprême du système judiciaire, indépendant, est en danger. Hier, quelques centaines de personnes se sont donc mobilisées à Lima, dans la capitale.
La présidente du Pérou, Dina Boluarte a nommé mercredi le diplomate de centre-droit Gustavo Adrianzén comme nouveau Premier ministre, en remplacement d’Alberto Otarola démissionnaire mardi après l’ouverture d’une enquête pour trafic d’influence. Gustavo Adrianzén, avocat de 57 ans, avait été représentant du Pérou auprès de l’Organisation des Etats américains (OEA) à Washington. Il avait aussi occupé le portefeuille de la Justice dans le gouvernement de l’ancien président Ollanta Humala (2011-2016), entre avril et octobre 2015.
Pendant ce temps, à Lima, devant le Palais de justice, les manifestants scandaient « Le congrès mafieux ne nous représente pas », rapporte notre correspondante à Lima, Juliette Chaignon. Depuis plusieurs mois déjà, les députés, majoritairement de droite et d’extrême-droite, accroissent leur pouvoir en plaçant leurs pions dans diverses institutions judiciaires et étatiques.
« Enquête » du Congrès sur la JNJ
Les députés doivent en effet décider ce jeudi de l’avenir de l’organe judiciaire le plus important du pays, qui nomme tous les magistrats et contrôle les élections. Le 11 septembre dernier, le Congrès péruvien a décidé d’ouvrir une « enquête sommaire », selon les termes officiels, contre les sept membres de la Junte nationale de justice (JNJ), un organe indépendant de la magistrature. Un organe clé aussi des institutions péruviennes puisqu’il nomme les juges et les procureurs mais aussi les directeurs de l’organisme chargé de l’organisation des élections.
« Beaucoup d’hommes politiques sont poursuivis pour corruption ou des cas liés à la mine illégale, à la déforestation, accuse Jennie Dador, secrétaire de la Coordination nationale des droits de l’homme. C’est donc très important pour eux de contrôler la nomination des juges et des procureurs. Évidemment pour maintenir leur impunité ! » Pour les associations de droits de l’homme mobilisées, aux côtés de partis de gauche et du centre, c’est la démocratie qui est en danger. « S’ils arrivent vraiment à faire cela, il n’y aurait plus de séparation des pouvoirs », poursuit Jennie Dador.
La démocratie péruvienne en danger ?
Les manifestants dénoncent aussi le pouvoir de plus en plus important du Congrès. « On considère qu’il y a une dictature du Congrès. Il a le pouvoir de faire et défaire tout ce qu’il veut, au vu et au su des citoyens, qui sont démobilisés », regrette Ana, une manifestante. Des Péruviens épuisés après sept années de crises politiques ininterrompues – six présidents se sont succédé en sept ans – et la répression violente du mouvement de contestation de la fin 2022 – début 2023.