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BASSIROU DIOMAYE FAYE ET SES DEUX ÉPOUSES : Le statut d’une « Première dame » dans le cadre protocolaire

 

Depuis son émergence dans le paysage politique et social, le terme « Première Dame » suscite diverses interrogations et débats quant à son utilisation et à sa légitimité. La question de la place de la conjointe du chef d’Etat n’avait jamais suscitée autant de commentaires au Sénégal. Bassirou Diomaye Faye, à la tête du pays depuis le 24 mars dernier, est le premier président sénégalais à s’afficher publiquement avec deux épouses (Marie Khone et Absa Faye). Ceci marque le début d’une nouvelle conception du titre de « Première dame ». Emploi familial pour certains, opportunité de défendre des causes pour d’autres, le rôle et la place des deux épouses du président de la République, Bassirou Dimaye Faye, a enflammé les débats au Sénégal. Que révèle cette polémique dans le cadre protocolaire ? Que dit la Constitution sur cette nouvelle configuration de la famille présidentielle sénégalaise ?

HISTORIQUE DES PREMIÈRES DAME SÉNÉGALAISES

La fonction de la Première dame, « First Lady » en anglais, était traditionnellement occupée par la femme du président des Etats-Unis. Au Sénégal, Collette Senghor fut la première femme à porter ce statut de première dame après s’être mariée à Léopold Sédar Senghor, Premier président de la République du Sénégal en 1960. Élégante et discrète, Colette Senghor a toujours veillé sur son mari, l’épaulant dans sa vie politique. Elle a aussi été son inspiration dans sa vie artistique. Elle occupa pendant 20 ans ce statut de Première dame avant de laisser la place à Elisabeth Diouf, épouse du président Abdou Diouf, arrivé au pouvoir le 31 décembre 1980, et qui aura, lui aussi, 20 années de règne. Ensuite, vient la Première dame Viviane Wade. D’une origine française, elle est mariée à Me Abdoulaye Wade, troisième président de l’histoire du Sénégal. Mme Viviane Wade occupa le statut de « Première dame » de 2000 à 2012 jusqu’à l’accession de Macky Sall au pouvoir. L’ancien Premier ministre de Wade fut le premier chef d’Etat sénégalais à épouser une femme sénégalaise. Connue pour sa sociabilité et son implication dans la politique de développement de son mari, Marième Faye Sall incarnera, pour une première, cette première dame noire, musulmane, d’origine et de nationalité sénégalaise à occuper ce statut honorifique.

Même si de manière officielle, elles n’ont pas une fonction spécifique au sommet de l’Etat, les épouses des présidents, de Léopold Sédar Senghor à Macky Sall, ont marqué chacune à sa manière la cohésion et la « teranga » (hospitalité) de la Nation.

CADRES JURIDIQUE, PROTOCOLAIRE ET SOCIOLOGIQUE

Dans un cadre constitutionnel, le décret 2014-853 du 9 juillet 2014 portant répartition des services de l’Etat dispose qu’il n’y a aucune référence par rapport à la Première dame. Des services de la Présidence de la République à la Primature, aucune institution ne mentionne les fonds et attributions de la Première dame. Et pourtant les Premières dames n’évoluent pas dans un cadre juridique défini.

Sur le plan protocolaire, historiquement, l’État s’est toujou aligné selon les coutumes républicaines telles que l’accueil d’un président avec une seule épouse. Une tradition ébranlée avec l’arrivée du président Bassirou Diomaye Faye au pouvoir, qu’on a déjà vu s’afficher avec ses deux épouses lors de la cérémonie d’investiture. Une pratique enracinée dans ses convictions religieuses, notamment la légalité de la polygamie au Sénégal. Le service protocolaire va-t-elle s’adapter à cette réalité sociale ? Interrogé sur cette question, le spécialiste en Droit, Hamidou Diallo estime que ce débat n’a pas lieu d’être. Selon lui, « la première épouse du président Diomaye est une première dame tout comme sa deuxième épouse. Dans l’ordre protocolaire, c’est celle avec qui il part lors de ses voyages diplomatiques ou celle avec qui il s’affiche publiquement qui va endosser ce statut de Première dame ».

Du point de vue sociologique, le sociologue Djiby Diakhaté y voit une preuve de transparence. « C’est une consécration de la tradition de la polygamie au sommet de l’État avec une situation qui va coller à la réalité sénégalaise », estime M. Diakhaté, ajoutant que cette pratique est « plébiscitée » par beaucoup d’hommes mais que de nombreuses femmes demeurent « méfiantes » sur les principes la régissant. Pour lui, Bassirou Diomaye Faye a lancé un « signal fort pour que les autres hommes afin qu’ils assument également leur polygamie ; qu’ils fassent preuve de transparence comme lui. Sans doute une volonté de mettre fin à la pratique de la polygamie cachée, appelée le « Takou Souf » (en wolof). Ce qui, selon lui, « sera une bonne chose pour l’économie du pays et pour la situation matrimoniale ».

LES PRÉSIDENTS DE LA RÉPUBLIQUE POLYGAMES EN AFRIQUE

D’autres pays d’Afrique de l’Ouest sont habitués à composer avec deux premières dames. Au Niger, le président Mahamadou Issoufou était à la fois marié à Lalla Malika et à Aïssata, de même que son prédécesseur Mamadou Tandja qui avait épousé simultanément Laraba et Fati. Plus proche du Sénégal, le président de Gambie, Adama Barrow, est polygame mais fut contraint de désigner une « First Lady ». Idi Amin Dada, ancien président de l’Ouganda, était également polygame. Sa vie personnelle, y compris ses mariages multiples, était souvent entourée de controverses. Omar El-Béchir (Soudan), ex-président du Soudan, était connu pour sa polygamie qui était largement acceptée dans la société soudanaise. Mouammar Kadhafi, l’ancien dirigeant libyen, était également polygame. Il avait plusieurs épouses, bien que les détails sur sa vie conjugale restent souvent opaques.

D’autres chefs d’État n’ont pas eu besoin de se convertir à l’islam pour valider leurs multiples mariages comme Jacob Zuma. Sa vie conjugale a été largement médiatisée et a suscité des débats sur la scène politique. Mobutu Sese Seko, l’ancien président de la République démocratique du Congo, était également polygame. Sa polygamie était bien connue et faisait partie intégrante de son image publique. Jean-Bedel Bokassa, de la République centrafricaine, était aussi polygame. Sa polygamie était un aspect de sa vie personnelle souvent critiqué.

La pratique de la polygamie en Afrique est courante et souvent liée à des traditions et des croyances religieuses. Elle implique d’avoir plusieurs conjointes et peut symboliser un certain statut social.

Djibril DEME

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